Lors d’une conversation avec mon ami immigré, absent du pays depuis plus de dix ans, il m’a déclaré que l’Algérie progresse ou a beaucoup avancé et pourrait bientôt devenir l’un des pays leaders… Mon ami suit beaucoup les discours du président Tebboune, et c’est la télévision algérienne qui le relie à l’actualité du pays, donc ma réponse a été sous la forme d’une blague révélatrice d’un Algérien qui a dit à son ami qu’il voulait immigrer, et lorsque celui-ci lui a demandé où il allait, il répondit qu’il voulait immigrer en Algérie, son ami répondit avec étonnement : Tu n’es pas en Algérie maintenant ? Sa réponse a été qu’il voulait émigrer vers l’Algérie de la télévision et non vers l’Algérie de la réalité dans laquelle il vit.
Cette plaisanterie, malgré sa simplicité, exprime clairement en mots et en sens l’état de fausseté dans lequel nous vivons quotidiennement, les chaînes de télévision falsifient la réalité, et si ce n’est pas le cas, elles l’embellissent ou s’efforcent d’en montrer les avantages pour cacher l’amère réalité, les travaux de construction apparaissent partout et ignorent les conditions des simples citoyens… Les arches construites apparaissent à l’air libre, et la caméra se détourne des cabanes près des ponts habitées par des familles souffrant des pires conditions de vie possibles, la caméra s’allume devant les lumières du métro et s’éteint devant les bus vétustes qui ne sont pas adaptés au transport du bétail, quant aux zones où il n’y a pas de transport sauf ce qu’ils qualifient de transport secret (même si c’est public et que tout le monde le sait, le premier étant l’État), alors parlez comme vous voulez sur ses conditions de travail.
Permettez-moi de m’adresser à vous, nos médias officiels, irrespectueux, bien sûr, pour vous le dire, sans aucun compliment, allez vous faire foutre, vos caméras, vos photos, vos stades et tout ce que vous transmettez, si vous voulez transmettre la misérable réalité algérienne telle qu’elle est (et bien sûr vous ne voulez pas), alors descendez, oui, venez et descendez de vos tours d’ivoire et visitez le sud de l’Algérie et l’arrière-plan des villes avant de continuer votre marche vers les villages et le sud où se trouve la vraie Algérie, le défaut et tout le défaut est d’appauvrir ce peuple et de priver ses enfants de l’égalité des chances qui les sortira du cycle de la pauvreté grâce à des stratégies visant à reproduire la disparité de classe, le défaut, ou appelons cela la tyrannie, est que vous êtes jugé comme restant pauvre pour le reste de votre vie, demandez aux pauvres, car ce sont eux les gens bien informés à propos de leur Algérie, demandez-leur comment ils gèrent leurs journées avec quelques dinars au vu de ces prix élevés, et vous trouverez un surplus de répondants.
Demandez à la Direction de la planification, qui a compté des millions en dessous du seuil de pauvreté et d’autres millions doublés au-dessus du seuil de pauvreté, tous résidents des périphéries des villes, il est étrange que l’on puisse rencontrer, et on rencontrera certainement, une foule de tragédies dans une seule famille : une mère au foyer (on appelle faussement et calomniablement une maison, car elle n’a pas que le nom) et s’occupe tout le temps de son fils, qui est complètement handicapé et n’a ni pouvoir ni force face au déni de l’État avec toutes ses institutions de ce groupe qui souffre en silence, et un autre fils au chômage ou, disons, n’a pas de travail, c’est mieux tant qu’il a un diplôme supérieur, ce qui ne lui sert à rien dans un pays ravagé par le clientélisme et le népotisme en tout, et une jeune femme qui est trompée par l’un des fils de hauts fonctionnaires, avec le rêve de la sortir de la pauvreté abjecte dans laquelle elle vit, jusqu’à ce qu’elle se réveille avec son corps vendu aux prix les plus bas du marché de la prostitution, quant au père de la famille, vous le trouverez en train de courir pour quelques dinars, il dépense la moitié de son argent quotidiennes en cigarettes bon marché avec lesquelles il se brûle le foie pour se venger de lui même, tant qu’il est faible et ne peut en aucune façon changer son état, c’est cette Algérie que le président Tebboune n’évoque pas dans ses discours.