À Mbarara, au sud-ouest de l’Ouganda, Mzee Girino Ndyanabo perpétue les traditions séculaires de fabrication de la bière locale, le brasseur local est parmi les rares à maîtriser encore cet art, agrippant un bâton pour se maintenir en équilibre, Mzee Girino Ndyanabo monte dans un bateau en bois rempli de bananes pelées, il marche sur les bananes et commence à les marteler en rythme avec ses pieds nus. Il écrase continuellement les bananes tout en ajoutant de l’herbe à éléphant au mélange, au moins une fois par semaine, la famille de Ndyanabo converge vers la fosse dans laquelle les bananes ont mûri.
Les bananes sont pelées et jetées dans une cuve en bois sculptée comme un bateau, dans laquelle le patriarche de la famille monte pieds nus pour presser le jus sucré est filtré et saupoudré de grains de sorgho, puis laissé fermenter pendant 12 à 24 heures, le résultat : une boisson alcoolisée que les Ougandais appellent tonto, ou tontomela, un mot luganda qui fait allusion à la mauvaise coordination des buveurs, plus faible que la bière en bouteille, la boisson a un arôme fruité et des morceaux de sorgho flottent sur sa surface sombre, « J’ai commencé à découvrir la bière locale quand j’étais encore jeune grâce à mon père. Ils brasseraient comme nous l’avons fait dans le bateau, mais ils le fermenteraient dans un pot en argile ou à l’aide d’une calebasse, aujourd’hui, nous laissons l’alcool fermenter dans le bateau et une fois qu’il mûrit, je me rends à Mbarara pour le vendre », explique Ndyanabo.
Le tonto est une boisson traditionnelle en Ouganda, aussi ancienne que les communautés qui la fabriquent, les chanteurs folk ont chanté le tonto, et les politiciens en quête d’une touche commune en boivent une gorgée lorsqu’ils sont à la recherche de votes, mais sa production est menacée à mesure que la bière en bouteille bon marché devient plus attractive pour les buveurs pressés par l’inflation et que les autorités s’apprêtent à freiner la production de ce qui est considéré comme des bières artisanales illicites.
