Dans le documentaire sincère de Robin Dimet, la traduction littéraire est une quête solitaire et précaire. Vivant dans une maison rudimentairement meublée dans la capitale éthiopienne Addis-Abeba, la soixantaine Sami a passé près de deux décennies à traduire la mythologie grecque en amharique. Léger dans le cadre, le personnage réticent ne s’illumine que lorsqu’il parle de son projet colossal, devenu une obsession dévorante. Le livre a submergé tous les autres aspects de sa vie, laissant ses amis, sa famille et le bien-être de Sami dans le rétroviseur.
Le film l’observe souvent à distance, alors qu’il se déplace à travers un paysage urbain fragmenté et fluctuant, parsemé de nouveaux développements imposants. Voici un homme qui, à cause de sa passion ardente, est perpétuellement en décalage avec son temps. Malgré sa timidité, Sami est également adopté par un solide cercle d’artistes et d’intellectuels, qui lui offrent un soutien émotionnel et financier pour l’achèvement de son manuscrit. Au même moment, lors du lancement de son livre tant attendu, Sami est étrangement à court de mots, car il refuse de faire un discours sur ses efforts. Peut-être que son ambivalence à propos de sa réussite provient de ce qu’il considère comme une jeunesse gâchée, passée dans l’ombre du régime de Mengistu Haile Mariam.
Il y a des aspects plus sombres. Sami parle de dieux et de déesses légendaires avec une telle douceur, mais ses frustrations littéraires ont entraîné des accès de colère autodestructeurs et même une aliénation de son fils. Le film hésite à sonder de tels paradoxes de caractère, car il traite l’odyssée de Sami comme un cas isolé, plutôt que comme un exemple extrême des luttes plus vastes auxquelles sont confrontés les intellectuels en Éthiopie. Une couche supplémentaire de contexte sociopolitique aurait pu en faire une étude encore plus enrichissante des sacrifices consentis au nom de l’art.